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ce blog se veut, pour l'instant en tout cas, comme un lieu d'expression en relation avec la licence métiers de l'édition option bibliothèque de Aix-en-Provence. Pour la suite... alea jacta est...

14 décembre 2009

Cité du livre, Alain Giffard, la lecture numérique peut-elle se substituer à la lecture publique?


Alain Giffard rappelle en introduction un principe bien connu : la lecture classique, c'est la lecture du texte imprimé.
Aujourd'hui alors qu'on vit une explosion de la culture numérique, une première question s'impose : est-il concevable de lire à l'écran ? Et cette lecture numérique remplit-elle les fonctions cognitives de la lecture classique ?

La crise de la lecture

Le point de départ de l'analyse d'Alain Giffard est la crise de la lecture écrite. Les gens ne lisent plus ! L'apparition du numérique se fait dans ce contexte de crise.
Avec l'enquête d'Olivier Donnat sur les Pratiques culturelles des Français, on constate une fois de plus, un déclin de la lecture des livres. La majorité des Français ne lisent pas ou lisent dans les meilleurs cas pas plus de 5 livres par an. (27% lisent de 1 à 4 livres et 12% en lisent de 5 à 12). Cette situation s'est même dégradée depuis 1997. On voit que les hommes lisent encore et toujours moins que les femmes ! Pour caricaturer Alain Giffard dit que "dans nos sociétés, le père ne lit plus". Cependant on observe une baisse de la lecture à toutes les générations.
La lecture pragmatique diminue comme l'a montré une enquête américaine. Ainsi on observe outre Atlantique une baisse de la lecture de livres depuis 30 ans.

Les différences sont notables quant on observe le milieu social, en effet les milieux les plus défavorisés pratiquent la culture d'écran mais lisent peu voire pas de livres, tandis que les classes les plus favorisées cumulent l'ensemble des pratiques.

Alain Giffard fait alors plusieurs remarques :
On vit actuellement une période de transition culturelle. La culture imprimée n'est plus une référence pour accéder à la culture et à la citoyenneté. Disparaît alors ce que Kant appelait l'Offentlichkeit. Cette transition a démarré il y a déjà une trentaine d'années. Ce déclin avéré est inéluctable et rien actuellement n'est en mesure de remplacer la culture véhiculée par l'écrit.
Cumul contre spécificité. L'internet donne une masse d'information. On peut alors être sur un écran mais sans lire ou bien lire sur l'écran ou sur d'autres supports.
Fragmentation. Le système précédent reposait sur une certaine homogénéité et aujourd'hui les modes d'accès à la culture sont complètement fragmentés selon les genres, les générations et selon les classes.

Essai de bilan de la lecture numérique

La lecture numérique existe mais est limitée en tant que pratique culturelle; ce n'est ni une lecture d'étude ni une lecture approfondie.
Technologie par défaut. La lecture numérique est compliquée et difficile. Un recadrage de la lecture est nécessaire à chaque manipulation.
Technologie de lecture de 2 types : intellectuelle intériorisée ou extériorisée. La technologie de la lecture est différente de celle de l'écriture. Le numérique actuel n'a pas rempli de technologie de lecture simple, en fait celle-ci est inexistente pour le numérique actuel.

Concordance. Risque de confluence de trois éléments



Type d'attention
Type d'attention différent à cause d'une utilisation multitâches.
Les styles cognitifs sont différents selon les générations, ils correspondent aux différents médiums. Les occasions de déconcentration se sont multipliées. Un type d'attention différent est influencé par le médium numérique. Ainsi les jeunes développent une nouvelle manière de lire.
Capacité à combiner les différentes vitesses de lecture. Survol. Savoir face au suréquipement informationnel. Scrutation du texte et lecture soutenue.

Degrés de lecture: prélecture et lecture
La lecture classique c'est quand on ouvre un livre et qu'on commence la lecture. Mais il y a plusieurs exemples historiques où le lien direct entre le livre et le lecteur était interdit.
Par exemple Cicéron préparait sa lecture mais ne pouvait lire face à ses auditeurs sur ses rouleaux.
C'est ce qu'on appelle la prélecture, c'est à dire que le lecteur produit un texte propre à être lu.
En ayant le livre en main et en l'ouvrant, on se pose des questions. Cette technique peut être comparée avec la technique de lecture rapide. Cette activité de repérage pour la lecture numérique nécessite une double compétence, une compétence de lecture et une compétence informatique.

Contenu, acte de lecture
Certaines (dé)formations au numérique ont un caractère problématique, car il est important d'avoir de lire attentivement après la navigation. mais cette opération est souvent isolée voire carrément oubliée dans la plupart des formations.

La lecture doit être vue comme une pratique culturelle et citoyenne.
Zeming Liu s'est intéressé aux comportements de lecture dans un environnement numérique.  La lecture soutenue est nécessaire après une lecture de repérage. La lecture prépare à la réflexion.
Dans la culture occidentale, l'habitude est de pratiquer dans ce cas une lecture silencieuse.
Mais la finalité, le degré de lecture sont différents entre une lecture d'étude et une lecture d'informations.

Examen des lecteurs au sein des espaces des lectures industrielles


L'exemple le plus criant est celui de Google.

Il y a une convergence entre 3 industries
- industrie d'informations
- industries du marketing
- industries culturelles nouvelles.
Avec 3 activités
- production des moyens de lecture (logiciels, tablettes de lecture...)
- production de textes fabriqués par des robots comme c'est le cas avec le fonctionnement de Google.
- commercialisation des lectures et des lecteurs.
Autre caractéristique de cet espace : le lecteur est face à face avec les industries. A cet endroit la puissance publique est totalement absente.

Et l'humain corrigera le robot

On parle de technologie par défaut car la commercialisation des lecteurs et des lectures est contradictoire avec l'approche approfondie de la lecture.
La tendance actuelle n'est pas à réaliser une machine à lire idéale et au contraire...
Les robots mélangent des textes de manières machiniques mais le gros problème c'est qu'ils ne savent pas lire !
Le dispositif actuel suppose de grandes compétences du lecteur, apte à rectifier les erreurs des robots et qui maîtrise les différents types de lectures. L'être humain doit toujours rectifier la machine. Même Larry Page, l'un des deux créateur de le dit !

La lecture numérique, oui mais pas comme ça!

En conclusion Alain Giffard insiste sur le fait que la technologie de la lecture numérique doit être développée. Une technologie qui remplirait le cahier des charges de la lecture.
Mais pour ça il est important de rectifier l'espace des lectures industrielles pour ne pas connaître rapidement une catastrophe cognitive, en redéfinissant les industries de la lecture.

Ainsi les espaces numériques en bibliothèque posent la question de la technologie tout en restant déteminants pour l'accès des jeunes à la culture.

Cité du livre, Aix-en-Provence le 30/11/09
compte rendu en collaboration avec Elodie Debureau (lien)

liens vers d'autres résumés de ces passionnantes journées :
Thierry Baccino
Isabelle Le Masne
Hervé Lecrosnier
Bernard Stiegler
Brigitte Simonnot
Marin Dacos
Gilles Eboli

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